Assemblée générale 2013
La Stratégie d’influence française dans la normalisation internationale est une thématique éminemment importante pour les opérateurs et les parties prenantes du système français de normalisation. Les secteurs des industries mécaniques et du caoutchouc, fortement exportateurs, sont très sensibles aux opportunités que la normalisation leur apporte en matière d’influence internationale et de soutien sur les marchés mondiaux. Les Pouvoirs publics, convaincus du rôle de la normalisation pour promouvoir les intérêts français, incitent AFNOR et les Bureaux de Normalisation à renforcer leur politique et leurs actions à l’international.
C’est dans cette optique que l’UNM a souhaité mettre en lumière différentes initiatives mécaniciennes lors du débat de la réunion publique de son assemblée générale. Celui-ci était initié par plusieurs témoignages d’acteurs mécaniciens, impliqués dans la gouvernance d’instances de normalisation européenne ou internationale (président de comité technique ou sous-comité, financeur des secrétariats de ces instances, animateurs de groupes de travail ISO ou CEN), rassemblés dans un chapitre dédié du rapport d’activités 2012 de l’UNM. Puis cinq interventions ont donné un éclairage sur les stratégies à développer, les leviers d’influence, les motivations des acteurs économiques à s’impliquerOlivier Barrat, Adjoint au Délégué Interministériel à l’Intelligence économique, rappelle que “l’Intelligence économique” est née au début des années 1980 sous l’impulsion de Madame Edith Cresson, puis s’est fortement développée, une première fois lors de la publication du rapport Martre en 1984 puis à la publication du rapport Carayon en 2003. Une délégation interministérielle à l’Intelligence économique (D2IE) a été créée par décret en 2009. Madame Claude Revel est Déléguée Interministérielle à l’Intelligence Economique depuis juin 2013.
L’Intelligence économique repose sur un triptyque : veille réglementaire et normalisation, soutien économique pour l’amélioration de la compétitivité des industries françaises (innovation recherche, stratégies d’influence et de normalisation) et protection des savoir-faire. Les actions de la D2IE se concentrent sur 4 axes : pédagogie, anticipation (veille stratégique), sécurité économique (prévention des risques immatériels) et influence sur la régulation internationale et les normes techniques. Elle coordonne l’action de l’État en matière d’IE, édite des notes ou des rapports sur des sujets ponctuels souvent confidentiels (positionnement d’entreprises, accompagnement d’investissements étrangers en France, aspect sécurité des données dans le cloud computing…). Elle a publié un guide du routard de l’IE contenant des fiches d’auto diagnostic en matière d’IE et d’innovation et un rapport sur l’influence française en normalisation internationale. Ce rapport D2IE ainsi que le rapport Revel proposent 7 grandes priorités d’actions, dont une mobilisation des entreprises dans les institutions normatives internationales, la mise en place d’une ingénierie d’influence professionnelle, et la capacité à pousser au sein des enceintes internationales, des sujets jugés stratégiques par la France. Des relations étroites avec le système français de normalisation sont en cours de consolidation pour identifier les thématiques stratégiques pour l’économie française et s’assurer du bon positionnement des instances de normalisation françaises permettant la promotion et la valorisation des positions françaises sur ces sujets.
Danielle Koplewicz, Directeur Technique de l’UNM, évoque les différentes opportunités d’actions en normalisation internationale. Il est tout d’abord essentiel d’être présent dans les instances internationales. Cette présence, sous forme d’une délégation française dans les comités techniques ISO, permet de se faire connaitre, la normalisation étant avant tout un énorme réseau international, et ainsi d’être crédible lorsqu’on souhaite intervenir, puis de veiller, le cas échéant d’alerter voire d’anticiper des évolutions que l’on voit émerger. Quand les experts de la délégation sont connus de leurs pairs, l’influence française passe par la soumission au comité de propositions techniques, exprimant des attentes précises, permettant de nourrir un débat avec les confrères du comité, et ainsi d’être reconnus par eux. La prise de la responsabilité de l’animation d’un groupe de travail constitue en quelque sorte le stade suivant : elle permet d’organiser les réunions, leurs ordres du jour, de piloter les débats et ainsi d’être proactif dans la recherche du consensus final. Enfin, implication soutenue : orienter la stratégie et les enjeux du domaine en prenant la responsabilité de la gouvernance d’un comité technique. Cette opération conjointe entre un acteur économique (entreprise, centre technique, organisation professionnelle, …) et un opérateur de normalisation (UNM en France dans son domaine de compétence ou AFNOR) permet de gérer le programme de travail du comité, donc de favoriser ou non l’inscription de sujets.
De nombreux exemples illustrant ces possibilités d’actions en normalisation internationales ont été donnés : la délégation française lors de la relance de l’ISO/TC 11 sur les équipements sous pression a pu s’opposer à une proposition américaine de développer une norme ISO comportant une seule exigence renvoyant vers une norme ASME et réorienter la demande initiale vers l’élaboration d’une norme de performance ISO, c’est-à-dire un document ayant fait l’objet d’un consensus de tous les acteurs internationaux actifs dans le comité. L’animation d’un groupe de travail de l’ISO/TC 115 sur les émissions fugitives des robinets a permis la publication de normes ISO fortement influencées par les résultats d’un programme d’essais de qualification des robinets conduit par le Cetim, dans un domaine fortement réglementé où de très nombreuses pratiques locales cohabitaient.
En conclusion, une influence française efficace à l’international a quelques prérequis. Outre la maîtrise de la langue anglaise, il est indispensable de s’appuyer sur une commission française active et représentative, d’y définir une ligne de conduite cohérente avec les orientations du domaine et d’y élaborer des consensus nationaux solides, de garantir la crédibilité des positions en s’appuyant sur des travaux techniques reconnus, d’avoir une continuité de représentation dans le temps, de maîtriser les règles de normalisation en s’appuyant sur un secrétariat professionnel, et enfin de connaître ses collègues pour organiser le lobby (associations européennes, organismes de normalisation, pouvoirs publics, filiales étrangères, ...).
Laurence Chérillat, Déléguée Générale, présente le syndicat professionnel ARTEMA : 110 adhérents représentant 80 % de la production française dans les secteurs professionnels des roulements et guidages linéaires, de l’étanchéité, des transmissions mécaniques, hydrauliques et pneumatiques et de la mécatronique associée, réalisant un chiffre d’affaires de 5,6 MMÄ en 2012, dont 55 % à l’export direct. Les produits fabriqués sont extrêmement techniques, présents dans de nombreux secteurs et vendus dans tous les pays du monde. La normalisation, très importante pour la profession, permet de faire passer "l’évolution" des produits sur le marché. Actuellement, 124 projets de normes en cours sont suivis au sein de 13 commissions UNM, 7 relevant de la profession et 6 l’impliquant directement. En outre, le syndicat préside ou anime 9 sous-comités techniques ou groupes de travail internationaux aux côtés de l'UNM qui en assure le secrétariat.
La stratégie de la profession répond aux 3 enjeux principaux : faire passer à l’ISO ses référentiels techniques, développés à travers des travaux de recherche collective menés avec le Cetim et/ou des laboratoires universitaires, défendre et faire valoir les positions de ses secteurs professionnels (avantages de la transmission hydraulique par rapport à une commande électrique, solution optimisée d’éco-conception de machines-outils…), et enfin prendre le leadership très en amont sur certains sujets d’avenir quand les entreprises du secteur ont des spécificités, un savoir-faire à promouvoir ou une avance technique en réponse à des attentes clients particulières.
Dans tous les cas, les conditions de réussite passent par une participation forte des industriels pour définir la stratégie de la profession, un appui et un soutien actif du syndicat pour amplifier la présence française à l’international et créer le réseau nécessaire et une structuration de l’approche normative en préparant soigneusement les travaux en amont pour pouvoir disposer d’une bonne argumentation.
Philippe Bertrand, Fédérateur scientifique, présente les activités du pôle de compétitivité VIAMECA, spécialisé dans la conception et la production de systèmes mécaniques intelligents. Un pôle de compétitivité regroupe à la fois des entreprises de toute taille, des centres de recherche privés et académiques et des centres de formation ; il est en quelque sorte une usine à projets de R&D. Depuis 2005, VIAMECA a conduit plus de 300 projets collaboratifs. En 2012, 40 projets ont été labellisés représentant un budget global de 187 MÄ. Les travaux du pôle portent sur plusieurs thématiques scientifiques dont entre autres la fonctionnalisation, la modélisation des surfaces, les assemblages multi matériaux, les procédés de fabrication par ajout et consolidation de matière. VIAMECA s’est, entre autres, spécialisé dans la technologie dite de "fabrication additive" en animant une communauté scientifique sur le sujet ainsi qu’un ensemble d’entreprises intéressées par cette technologie nouvelle et très prometteuse pour le futur. Après avoir conduit plusieurs projets sur le sujet, VIAMECA est arrivé à un niveau de maturité et de compétence reconnu et a souhaité s’engager dans le transfert et la diffusion de l’innovation : la normalisation, en permettant d’acquérir la confiance des utilisateurs, s’est avérée une voie pertinente.
En partenariat avec le pôle EMC2 et la Fédération des Industries Mécaniques, VIAMECA a sollicité l’UNM pour lancer des travaux de normalisation française sur le sujet : la commission UNM 920, créée en juillet 2010, est devenue le tremplin vers les travaux internationaux récemment lancés dans le domaine. En parallèle, un programme de R&D financé dans le cadre du Programme Cadre Européen (PCRD), a été établi pour amener la fabrication additive vers un processus efficace et durable en intégrant et coordonnant les activités de normalisation dans le domaine. La France figure ainsi parmi les principales forces de proposition au niveau du comité ISO/TC 261 aux côtés des allemands et des américains. Philippe Bertrand/VIAMECA est l’animateur d’un des quatre groupes de travail du comité en charge du domaine crucial des méthodes d’essais. L’appui du secrétariat UNM lui permet de se consacrer pleinement aux sujets techniques stratégiques. La participation active dans ces travaux est essentielle pour défendre les résultats de recherche obtenus en France en sachant que les USA, très en avance sur ces technologies, proposent des documents ASTM en tant que projets de norme ISO.
Pascal Vinzio, Directeur de la recherche du groupe industriel KSB, évoque l’intérêt pour un industriel de s’impliquer en normalisation internationale. KSB est un groupe international, basé en Allemagne, fournisseur global de pompes, de robinetterie et de systèmes de commande et de régulation. Il dispose de 30 sites de production dans 19 pays, de 3 usines et plus de 1 200 collaborateurs en France et a une présence commerciale dans plus de 100 pays. Son activité concerne, entre autres, les industries de process, les services généraux à l’industrie, l’adduction d’eau potable, la gestion des eaux usées, le génie climatique, l’énergie…
KSB est acteur en normalisation de longue date ; la filiale française, pour sa part propre, est présente dans plus de 20 instances de normalisation UNM, AFNOR, CEN ou ISO. KSB est convaincu de l’importance pour un constructeur d’être présent et cohérent sur l’ensemble de la chaine qui mène à une norme produit ou une norme méthodologique : évolution technique, technologique ou réglementaire, étude technique, standardisation, et normalisation. Pour KSB, être acteur sur le marché, c’est logiquement agir dans tous ces maillons de la chaîne et donc en normalisation. Ainsi, la participation en normalisation : c’est valoriser le travail amont de R&D de l’entreprise, c’est promouvoir ses solutions techniques et "orienter" les standards dans une direction favorable à ses produits, c’est anticiper les évolutions à moyen et long terme, c’est avoir un accès à ce qui se passe dans les autres comités techniques et ainsi faire sa propre veille, c’est une contribution à l’image de l’entreprise, et c’est enfin une action collective au profit de la filière…
L’engagement en normalisation relève assurément de la stratégie de l’entreprise. La participation active dans les instances est une condition minimale pour tirer la quintessence de l’engagement. Les domaines couverts peuvent être extrêmement vastes et l’engagement peut alors conduire à une charge de travail très significative… d’où ce clin d’œil : engagement en normalisation : addiction ou normali ... té ?
En clôture de l’Assemblée Générale, le Président Rabourdin a remis le trophée de la normalisation en mécanique et caoutchouc à cinq personnalités représentant des organismes ou s’étant personnellement engagées dans les travaux des commissions de normalisation UNM.
De gauche à droite sur la photo :
- Laure Ginesty, Ministère du Travail et de l’Emploi,
- Jean-Louis Rabourdin, Président UNM,
- Philippe Contet, Directeur Général UNM,
- Mai Le Huy, Laboratoire de Recherche du Caoutchouc,
- Jean Claude Goussain, Institut de Soudure,
- Gunther Müller-Welt, société AMADA Europe, adhérent du syndicat professionnel SYMOP,
- Rémy Cordier, GDF SUEZ, membre associé de l’UNM.
À nouveau, toutes nos félicitations à ces experts !
Pour plus d’informations, vous pouvez vous adresser à info@unm.fr.
Télécharger le rapport d'AG UNM 2013