Comité d'orientation de l'UNM
La normalisation au cœur des stratégies d'influence des différentes régions du monde.
Tel est le thème retenu pour le comité d'orientation de l'UNM en décembre 2013. La normalisation soutient l'activité économique et l'implication dans les travaux devrait refléter le poids et l’ambition de chacune des régions sur le marché international : être le mieux représenté est un défi majeur.

Alain Costes, directeur d'AFNOR Normalisation, a distingué trois moyens pour y parvenir. La première possibilité consiste à porter à l’international les travaux normatifs européens. Passer à l'ISO un sujet mûr au plan européen donne l'occasion de généraliser notre savoir-faire et donne un avantage compétitif aux européens. Ce fut le cas du domaine de la sécurité des machines où la plupart des normes de base rédigées à l'origine en Europe pour répondre à la Directive Machines a été petit à petit transférée à l'international.
La seconde consiste à occuper des postes influents à l'international : détenir la présidence et le secrétariat d'un comité technique permet d'orienter la stratégie du domaine. La France occupe une position privilégiée à l'ISO en ayant un nombre de postes supérieur à son poids économique avec 10 % des secrétariats. Elle arrive derrière l'Allemagne et les Etats-Unis et vient de repasser devant le Royaume-Uni, la politique commerciale de l'organisme de normalisation britannique BSI l'obligeant à abandonner les comités non directement lucratifs. Le Japon fait jeu égal avec le Royaume-Uni et la croissance de la Chine est spectaculaire, passant de 0 à 40 comités en 8 ans. Au plan européen, la France et l'Allemagne ont renforcé leur poids relatif, profitant de la politique d'abandon du Royaume-Uni. Là aussi, la France est surreprésentée par rapport à son PIB : les parties prenantes doivent en profiter pour favoriser le savoir-faire français.
Une troisième voie : mettre au point des partenariats avec d'autres pays. 17 pays physiquement proches de l'Europe ont le statut de membres affiliés du CEN qui leur permet d'être observateurs dans les comités techniques de leur choix. En contrepartie, ils ont l'obligation de reprendre les normes EN de ces comités dans leur collection nationale. Pour bénéficier des mêmes conditions, les pays non voisins de l'Europe peuvent devenir organismes de normalisation partenaires. Le CEN dispose d'experts délégués à la normalisation européenne en Chine et en Inde. Objectifs : soutenir l’augmentation du commerce entre l'Union Européenne et ces pays, améliorer la visibilité de la normalisation européenne et jouer le rôle d’ambassadeur entre les communautés de normalisation européenne et chinoise ou indienne.
Enfin le CEN développe des accords bilatéraux spécifiques avec des pays comme le Japon, le Canada, la Russie ou les Etats-Unis. L’accord CEN-ANSI (USA) dont la signature est prévue en février 2014 vise à encourager l’harmonisation technique, à promouvoir l’utilisation des normes pour faciliter la compatibilité réglementaire et réduire la redondance des normes par une reconnaissance mutuelle. Même si l'idée de réduire le nombre de normes est séduisante, il ne faudrait pas que les normes américaines prennent le pas sur les normes européennes.
Claude Cardinet, HUTCHINSON, président du comité de pilotage français de la normalisation caoutchouc, a illustré ce thème par des exemples. L'industrie française représente un chiffre d'affaires de 12 milliards d'euros pour 250 entreprises employant 51 000 personnes. Elle produit 540 000 tonnes de caoutchoucs synthétiques et 900 000 tonnes de pneumatiques et pièces techniques. Sa forte implantation mondiale se reflète en normalisation : les normes se développent principalement à l'ISO avec une participation de toutes les régions du monde. Le parc de 435 normes couvre tous les domaines depuis les caractéristiques des matières premières, jusqu'aux produits finis en passant par les essais.
La participation active de 19 pays rend les alliances nécessaires pour faire passer ses points de vue et la France sait y avoir recours : une alliance en amont entre pays européens sur les fumées de vulcanisation a permis de présenter une approche commune et a abouti en un an à un document ISO disponible. La France et le Brésil ont obtenu le secrétariat du sous-comité sur les matières premières grâce à un jumelage face au Japon. Ce dernier n'est pas en reste puisqu'il s'est vu confier le secrétariat du sous-comité sur les essais et analyses. Un autre exemple remarquable, celui du duo France-Inde sur les caoutchoucs régénérés depuis 2010 : la France a su convaincre l'Inde de l'intérêt de développer des normes pour favoriser le recyclage des déchets. Opposée au démarrage de l'étude, l'Inde est maintenant force de proposition.
L'ISO/TC 45 collabore également avec l’organisme américain ASTM pour éviter de dupliquer les travaux.
Alexandre Popa, PENTAIR VALVES & CONTROL, président de l'ISO/TC 153 "Robinetterie industrielle" et Hélène Cros, UNM, secrétaire de ce comité, ont démontré l'importance de maintenir les positions dans la durée.
La robinetterie industrielle permet la maitrise des écoulements des fluides par leur régulation ou leur arrêt et assure la protection et la sécurité des équipements et tuyauteries par des soupapes. Elle est utilisée dans tous les types d'industries (gaz, pétrole, chimie, centrales électriques, alimentaire, eau, mécanique,…) sur une gamme de tailles très étendue. Alors que les robinets ne représentent que 3 à 5 % des investissements, leur mauvais fonctionnement peut générer 20 à 30 % du temps d'arrêt d'une installation. Les produits doivent donc être de qualité. Le marché mondial est de 59 milliards de dollars et l'Europe est le premier marché.
La France dispose de la présidence des comités européen et international du domaine. Les pays d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie s'impliquent à l'ISO/TC 153, et plus particulièrement dans son sous-comité 1 traitant de conception, construction, marquage et essais. Jusqu'en 2011, les normes ISO ont été développées en collaboration étroite avec les organismes américains de normalisation. Plusieurs normes ISO/API (American Petroleum Institute) ont été publiées sur les essais au feu et sur les caractéristiques de différents types de robinets. Depuis 2012, l'API a rompu la coopération en utilisant l'argument de l'embargo vers certains pays pour remettre en cause l'ouverture du comité ISO à ces pays. Afin de se protéger, cet institut développe désormais les normes au sein de l'OGP (Oil and Gas Producers Association) qui exclut les pays sous embargo. Le développement des normes ISO est donc suspendu. Une position claire des instances de gouvernance de l'ISO pour empêcher ces pratiques permettrait de continuer à avancer. L'ISO/TC 153 maintient le cap pour inverser la tendance.
Un bon exemple d'assiduité et de ténacité : les émissions fugitives. Il est admis que les robinets sont responsables de 60 à 75 % des émissions fugitives des gaz à effet de serre et de composés organiques volatiles. Il a donc fallu se mobiliser pour mettre au point une méthode de qualification des robinets. Dès 1997, la France faisait une proposition, l'objet de nombreuses contestations de la part des Etats-Unis et des Pays-Bas qui développaient une méthode différente de leur côté. Le Cetim détient l'animation du groupe de travail depuis sa création et la France a su imposer sa méthode publiée en 2006 (ISO 15848-1 et 2). A l'occasion de l'examen systématique en 2009, il a été décidé de réviser les normes et la France s'est à nouveau mobilisée pour maintenir ses acquis. Comportement efficace : les points bloquants ont été résolus en 3 réunions et l'animation par la France a permis d'obtenir un consensus favorable à ses positions. Une nouvelle version de la norme devrait voir le jour courant 2014.
Cette réunion renforce les témoignages livrés à l'occasion de l'assemblée générale de l'UNM de juin 2013 qui illustraient le rôle de la normalisation en matière d’influence internationale et de soutien sur les marchés mondiaux et la façon dont la France se l'est appropriée : faire passer à l’ISO ses référentiels techniques, défendre et faire valoir les positions des secteurs professionnels, prendre le leadership très en amont sur certains sujets d’avenir, etc.
Avant de clore la réunion, le président de l'UNM, Jean-Louis Rabourdin, a souligné la connotation exceptionnelle du Comité d'Orientation 2013 qui était le dernier présidé par Roger Spéri. Son engagement, sa compétence et son sens du consensus, qualités indispensables en normalisation ont été saluées. Le Comité d'orientation l'a vivement remercié pour le travail
accompli durant ces 10 années.
Pour plus d’informations, vous pouvez vous adresser à info@unm.fr
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Crédit photos 2 et 3 : Trelleborg