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Avis de l'Autorité de la Concurrence sur la normalisation : position de l'UNM

26/01/2016

Par une saisine d'office du 16 janvier 2014, l'Autorité de la concurrence a décidé d'examiner le processus français de normalisation et de certification au regard du droit de la concurrence.

Après avoir interrogé les acteurs concernés et analysé le fonctionnement du marché, l'Autorité a rendu son avis, le 16 novembre 2015, dans lequel elle préconise des améliorations sur 3 points :

Concernant la normalisation

Pour l'Autorité, "en facilitant la compatibilité et l'interopérabilité des différents produits et services, l'adoption de normes a un effet pro concurrentiel car elle favorise la diversité de l'offre et permet aux acheteurs de comparer plus aisément les différents biens ce qui va favoriser la concurrence par les mérites. À l'inverse une normalisation faite à mauvais escient peut restreindre la concurrence".

L'Autorité recommande de rationaliser les organes de normalisation et leurs méthodes de travail. En France, AFNOR chapeaute le processus de normalisation. Concrètement, la production proprement dite des normes est une activité des commissions de normalisation de l'AFNOR et des Bureaux de Normalisation Sectoriels, qui réunissent des entreprises intéressées à l'élaboration des normes applicables dans leur secteur d'activité respectif. L'autorité estime que l'AFNOR ne dispose pas d'une connaissance détaillée des commissions de normalisation en place, de la liste actualisée de leurs membres, de l'origine de leurs financements et du calendrier des travaux envisagés. L'Autorité souligne qu'une simplification du dispositif passe par une action plus volontariste du gouvernement, l'AFNOR n'ayant pas le pouvoir juridique de contrôler la multiplication des organismes de normalisation.

L'Autorité propose de renforcer le rôle de pilotage de l'AFNOR sur le processus de normalisation (centralisation des informations, formalisation des décisions d'ouverture de travaux, etc.).

L'Autorité préconise une réflexion en amont sur la nécessité de normes nouvelles. Un processus défaillant de normalisation peut affecter l'efficacité économique et restreindre la concurrence s'il produit des normes inutiles dont le bilan économique coût-avantage n'est pas démontré ou si elle permet l'homologation d'une norme biaisée au profit de certains acteurs du marché qui peuvent alors l'instrumentaliser pour ériger une barrière à l'entrée de concurrents ou d'innovateurs. Ces dangers sont d'autant plus pernicieux que les normes inutiles sont difficiles à détecter et à corriger une fois le processus de normalisation achevé. L'Autorité estime que les entreprises qui proposent une norme nouvelle devraient être capables d'expliquer pourquoi elle est nécessaire et les raisons qu'elles avancent devraient pouvoir être examinées et éventuellement contredites par leurs concurrentes. L'Autorité recommande la mise en place d'une étape obligatoire de validation de la plus-value attendue du projet de norme nouvelle ou de révision d'une norme existante. Le lancement des travaux des commissions de normalisation serait décidé par l'AFNOR au vu d'un dossier comprenant notamment un diagnostic des avantages et des inconvénients pour le marché ainsi qu'une estimation du calendrier du processus et le nom des entreprises potentiellement impactées.

Position de l'UNM

L'UNM a répondu aux questionnaires de l’Autorité de la concurrence en mars puis en mai 2014. Le projet de rapport de l’autorité de la concurrence a été soumis à consultation d’avril à juin 2015, consultation au cours de laquelle l'UNM a fait part de ses remarques.

L’absence de considération de l’environnement international (européen CEN / international ISO) de la normalisation française dans le rapport final surprend ; les normes EN et ISO représentent environ 90 % de l’activité de normalisation française. Des règles relatives aux délais de publication de ces normes EN ou ISO existent et ne peuvent être ignorées, sauf à extraire la France des enjeux internationaux.

Sur la "rationalisation des organes de normalisation et leurs méthodes de travail", il semble important de rappeler que le décret de 2009, qui fixe le cadre du système français de normalisation (SFN), a instauré une surveillance de l'activité et du fonctionnement des Bureaux de Normalisation sectoriel (BN) par des audits réguliers réalisés par le Comité d'Audit et d'Evaluation d'AFNOR (CAE). Ce dispositif permet d’identifier les lacunes des BN et de faire progresser tous les acteurs. Un avis négatif du CAE suite à un audit de surveillance, peut conduire le SQUALPI, tutelle administrative de la normalisation, à décider de suspendre voire retirer l’agrément d'un BN selon la gravité des manquements. Par ailleurs, l'Avis ne mentionne pas l’existence de la "Convention AFNOR/BN" qui fixe de manière précise, le cadre des missions des BN et les dispositions qu’ils doivent appliquer pour agir par délégation d’AFNOR ; en particulier, les Règles de la Normalisation Française (RNF) ne sont pas des lignes directrices mais de véritables procédures de travail au sens "documents qualité d’un système de management de la qualité".

La concentration sur un même organisme des fonctions de contrôle et des fonctions opérationnelles, permettrait-elle d'assurer la transparence et l'impartialité requises ? Le récent rapport de la Déléguée Interministérielle aux Normes précise : "L’association AFNOR, chargée d’une mission de service public, bénéficie d’une très bonne visibilité… AFNOR occupe une position centrale dans le système français de normalisation, ce qui constitue un atout pour porter des positions fortes dans les instances européennes et internationales mais ne doit pas être un obstacle à l’écoute ouverte des différentes positions qui s’expriment, condition indispensable au fonctionnement efficace de l’ensemble du système français de normalisation." Les domaines d’agrément des BN sectoriels et donc leurs champs de compétence sont clairement définis et l’attribution d’une commission à tel ou tel opérateur devrait être simple…

Ce même rapport est explicite sur le sujet du nombre et de la taille des BN : "Les bureaux de normalisation (BN) sont de profils et de fonctionnement très variés… ; néanmoins, il est important de souligner que les bureaux de normalisation regroupent les experts et permettent l’écoute des besoins des acteurs économiques. La rédaction des normes demandant de solides compétences et une bonne connaissance des acteurs concernés, ce principe d’implication forte des experts doit donc être préservé, tout en recherchant plus de robustesse dans les instances internationales."

Encore plus surprenant, l’avis ignore les nombreux outils communs mis en place entre AFNOR et la plupart des BN qui font que les listes actualisées des membres des commissions de normalisation des BN, les programmes de travail de ces commissions avec les objectifs d'étapes pour chaque projet sont déposés et gérés sur le site de l’AFNOR. Par conséquent, AFNOR dispose de toutes ces informations dans ses bases.

Il faut enfin garder à l’esprit que de nombreux processus existent actuellement pour l’évaluation des normes tout au long de leur cycle de vie, dont le processus d’examen systématique qui permet (à la différence de la réglementation) de s’interroger sur le contenu de la norme à intervalles réguliers et de la corriger le cas échéant. Il est essentiel de conserver une relative capacité du SFN à défendre les intérêts français vis-à-vis des partenaires étrangers, c’est-à-dire d’éviter de trop alourdir les processus administratifs au niveau national. L’Autorité de la concurrence propose qu’AFNOR décide du lancement ou non d’un nouveau sujet. Si cette proposition était acceptée, elle rallongerait les délais d’élaboration des documents sans valeur ajoutée, sachant que les propositions de nouveaux sujets sont validées par chaque commission de normalisation, c’est-à-dire par les parties prenantes concernées. 

 

Plus d'information sur le site "Autorité de la concurrence" (avis 15-A-16 du 17 novembre 2015).