Les enjeux du numérique et leurs conséquences dans les industries mécaniques
La 4ème révolution industrielle est en marche : après la mécanisation, l'électrification et l'automatisation, la numérisation arrive tous azimuts : internet des objets, big data,… La France s'organise pour intégrer ces nouvelles technologies.
L'un des intérêts du numérique, identifié par l’Alliance pour l’Industrie du Futur, vise à profiter des informations en temps réel, dans toutes les dimensions de l’entreprise : systèmes de production connectés pour baisser (maîtriser) les coûts, chaîne de valeur globalement numérisée des fournisseurs aux clients, pour mieux anticiper, optimiser, sécuriser, pour recomposer rapidement la "supply chain".
Le comité d’orientation de l’UNM réuni le 2 décembre 2015 a réfléchi aux enjeux de ces technologies afin d’en dégager des axes de réflexion pour la normalisation mécanique.
L'Alliance pour l'Industrie du Futur a été créée en juillet 2015 avec pour rôle d’organiser et de coordonner au niveau national les initiatives, projets et travaux pour la modernisation et la transformation de l’industrie en France. Philippe Contet, Directeur innovation et technologies de la Fédération des Industries Mécaniques, en présente la genèse, son action et l'activité du groupe normalisation. Les 34 plans pour la nouvelle France industrielle lancés fin 2013 ont été réorganisés à la fin du premier semestre 2015 pour aboutir à 10 plans. Le plan "Usine du Futur" s'est vu transformé en un plan transverse "Industrie du Futur". A cette occasion, les Pouvoirs Publics ont sollicité les acteurs de la mécanique, de l'électrotechnologie et du numérique pour piloter ce plan et prendre la suite des travaux initialement menés sous la direction des groupes Fives et Dassault Systèmes. L'Alliance pour l'Industrie du Futur a été créée par 11 partenaires pour la mise en œuvre opérationnelle du projet national "Industrie du Futur". Présidée par M. Darmayan (Président du GFI et de la FFA), elle est organisée en trois collèges : les organisations professionnelles (FIM, FIEEC, SYNTEC NUMERIQUE, UIMM, SYMOP, GIMELEC et AFDEL), les partenaires technologiques (CETIM et CEA) et les partenaires académiques (Arts et Métiers et Mines-Télécom Paris TECH).
Objectifs : moderniser l’outil industriel français et accompagner les transformations du modèle économique des entreprises.
Six axes prioritaires ont été identifiés et font l'objet de groupes de travail :
- accompagner les entreprises vers l’Industrie du Futur,
- développer l’offre technologique du futur,
- préparer l’homme à l’Industrie du Futur,
- promouvoir la thématique de l’industrie du futur : un référentiel "Guide pratique de l’Usine du Futur" est publié. Interactif, il permet de poser des questions,
- valoriser l’offre technologique existante,
- valoriser l'offre technologique nationale dans la normalisation internationale.
Ce dernier groupe est chargé de définir une stratégie de normalisation qui sera portée dans les instances d'AFNOR. Pil oté par Philippe Contet, il a déjà recensé les instances internationales concernées et il identifie actuellement les projets de normes à développer ainsi que les normes majeures qui nécessiteraient une révision. Sur cette base, il établira une stratégie française de normalisation pour l’industrie du Futur qui sera partagée dans les Comités stratégiques AFNOR (Ingénierie, Biens d'équipements et matériaux, Information et communication numérique, Utilisation rationnelle de l'énergie,…) pour intégration dans la stratégie française globale AFNOR et dans les programmes de travail des commissions de normalisation françaises concernées. Quatre thèmes ont d'ores et déjà été identifiés : la fabrication additive, la robotique collaborative, le numérique et les procédés d’assemblage.
Les enjeux du numérique pour les équipements industriels sont bien connus de Dassault Systèmes. Ce secteur (couvrant notamment les moteurs, les machines fixes et mobiles) représente le deuxième secteur industriel pour le groupe et génère 20 % de son chiffre d'affaire, se plaçant derrière l'industrie du transport. Pour Daniel Kreise, Directeur des ventes dans le secteur des applications pour équipements industriels, le marché est international puisque la part française représente seulement 5 % du chiffre d'affaires.
Les challenges numériques pour le secteur sont de collaborer avec les acteurs de la supply chain, de développer et de livrer rapidement des produits intégrant de plus en plus d'intelligence et toujours plus diversifiés. Il faut donc gérer la diversité d'une production globale de produits et des services associés.
La demande initiale qui remonte à plusieurs années était la conception 3D de pièces unitaires passant par la modélisation, la géométrie, les tolérances et les caractéristiques. Les normes ont apporté des bases communes comme le tolérancement géométrique ou les catalogues de pièces électroniques. Puis, le besoin de voir le produit complet s'est fait sentir : maquette numérique complète, assemblage, tolérances, cinématique. Il a ensuite fallu adapter le produit à la demande du client. Aujourd'hui, le secteur franchit une étape supplémentaire : expérimenter le produit et être capable de s’immerger dans le produit pour mieux comprendre le comportement de l'équipement et de l'utilisateur.
La définition géométrique 3D ne suffit plus. Pour gérer la complexité des produits, une approche système est nécessaire. Par exemple, la simulation d’un pneu doit intégrer son comportement avec le véhicule, au-delà de ses caractéristiques propres. Les produits doivent donc être décomposés en différents systèmes, et leur architecture prendre en compte différents points de vue : physique, logique, mais également les exigences clients.
Ces orientations impactent les fournisseurs d’équipements qui vont devoir travailler non seulement avec un modèle 3D mais aussi avec un modèle comportemental. D'un point de vue normatif, il reste encore beaucoup de travail sur la façon de modéliser les interfaces entre les objets.
Les mécaniciens se sont mis en ordre de marche : la démarche et l’ouvrage "Technologies Prioritaires en Mécanique 2020", élaboré par le Cetim en partenariat avec la FIM, le CETIAT, l’Institut de Soudure en sont l'illustration. Pascal Souquet, Délégué scientifique au Cetim et administrateur de l’UNM, précise que cet ouvrage, dont c’est la 5ème édition, est très largement utilisé par les entreprises dans leurs orientations stratégiques à venir. L'étude s'est nourrie des notes de veille Cetim, de l'analyse de roadmaps internationales, des technologies clés 2020 du Ministère de l'Industrie et des réflexions dans le cadre de l'Usine du Futur pour aboutir à 53 technologies prioritaires, regroupées en 6 familles différentes, dénommées "briques": conception et simulation, matériaux et surfaces, mécatronique/contrôle/surveillance, procédés de fabrication, développement durable, numérique. Cette nouvelle brique numérique est transverse et comporte six technologies :
- la veille stratégique traite des outils autour du web : surveiller l’environnement de l’entreprise, organiser la veille technologique, être informé sur l'environ-nement règlementaire dans le monde, définir des axes de veille et mettre en place d’une organisation au sein de l’entreprise,
- les applications techniques mobiles : l’offre en applications techniques pour tablettes et smartphones se multiplie et couvre un domaine de plus en plus vaste depuis les ERP jusqu'au pilotage à distance des machines. L'enjeu est double : maîtriser le contenu et communiquer avec les clients,
- les Big data correspondant à l'ensemble des nouveaux moyens technologiques pour gérer des grands volumes de données tout au long du cycle de vie des produits. L'objectif est de collecter toutes les données et de les analyser pour en extraire une information pertinente. Parmi les défis : le traitement de données hétérogènes, des volumes en croissance exponentielle,
- la sécurité des données : la mise en place de l’organisation, des méthodes et des outils pour garantir la sécurité des données et de leurs échanges est une tache permanente pour les entreprises. Comment se protéger quand on n'achète plus les logiciels mais des heures d’utilisation de logiciel partagé ?
- la traçabilité contribue à l’amélioration de la qualité et de la sécurité d’utilisation, tout en prévenant la contrefaçon. Elle permet de vérifier à tout moment que les pièces proviennent bien du fabricant d’origine,
- la gestion des connaissances et des compétences : l'entreprise doit capitaliser et faire vivre ses connaissances critiques en s’appuyant sur des nouveaux moyens (MOOC, webinar, elearning,…).
L'impact sur la normalisation est déjà effectif en mécanique : la spécification géométrique des produits fournit les moyens de décrire les produits et des bibliothèques de composants électroniques ont été développées pour les produits mécaniques. Ils doivent être intégrés dans les outils de CAO pour que tous parlent le même langage. Des travaux sont en cours concernant la traçabilité des données contenues dans les certificats matière. Les formats d'échange se mettent en place en fabrication additive. L'introduction du numérique oblige les mécaniciens à travailler avec d’autres domaines que celui de leur cœur de métier. Il faut se positionner sur la limitation du champ sectoriel et du champ numérique : les exigences sectorielles doivent rester de la responsabilité des mécaniciens.
Crédit photo guide : Adesias
Source image horizon 2020 : Cetim
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