La normalisation, c'est rentable
Une croissance supplémentaire de 26 % pour l'EBE, 23 % pour le chiffre d'affaires, 20 % pour l'activité export. Participer à des travaux de normalisation a un effet direct sur le développement des entreprises mécaniciennes. C'est ce que démontre l'étude menée par AFNOR Normalisation et l'UNM avec le BIPE sur le secteur mécanique. Retour sur la réunion d'information organisée le 5 décembre 2017.
La normalisation, on sait ce que cela coûte, mais on ne sait pas ce que cela rapporte, a-t-on coutume de dire. Comme le fait remarquer Carole Gratzmuller, Présidente du Comité d'Orientation de l'UNM, "nous avons toujours beaucoup de mal à évaluer en chiffres l'apport économique de notre engagement en normalisation et sommes toujours à la recherche d'éléments concrets à ce sujet." C'est tout l'enjeu de l'étude menée en 2017 sur le secteur de la mécanique par AFNOR Normalisation et l'UNM avec le BIPE.
Les résultats sont là !
Les résultats sont là, présentés par Philippe Contet, directeur général de l'UNM : "La participation aux commissions de normalisation contribue à 26 % de la croissance de l'EBE (Excédent Brut d'Exploitation). Elle permet un taux de croissance annuel de son chiffre d'affaires de 23 %, et de 20 % à l'export, en cas d'engagement dans des instances internationales."
Cette étude sur le secteur de la mécanique fait suite à une première analyse portant sur l'ensemble de l'économie française. "Jusqu'à présent, toutes les études reposaient sur des corrélations, ce qui restait fragile, et source d'erreurs", souligne Alain Costes, directeur d'AFNOR Normalisation. En 2015, l'organisme français a cherché à établir des liens de causalité entre la participation des entreprises aux travaux de normalisation et leur développement économique, en utilisant un modèle économétrique.
"L'économétrie est un outil mathématique qui permet d'expliquer des variables liées à l'économie, explique Pierre Cavé, directeur associé du BIPE. Pour cela, il faut trouver une équation qui explique au mieux l'activité économique, ajouter des variables et examiner si elles ont un effet ou non, tout en veillant à ce qu'elles ne déstructurent pas le modèle."
100 000 bilans et comptes d'exploitation "épluchés"
À l'époque, à partir d'une base de données de 2 100 entreprises, le BIPE a fait tourner son modèle sur une période s'étendant de 1998 à 2013, en introduisant deux types de variables : les sociétés qui achètent et consultent les normes ; celles qui participent aux travaux de normalisation. Plus de 400 équations ont été testées. Résultat : une augmentation de croissance de 20 % du chiffre d'affaires pour les entreprises qui s'intéressent à la normalisation, et de 19 % à l'exportation. L'apport de la normalisation à l'économie française est estimé à 15 milliards d'euros, soit 0,4 % de l'activité des entreprises, et à 3 milliards d'euros de la valeur ajoutée, ce qui représente 0,17 % du PIB. La méthode a ensuite été appliquée au secteur de la mécanique, à partir des bases de données de l'UNM et d'AFNOR (voir encadré). Pour Jérôme Bataille, Président de l'UNM, l'étude prouve que "la normalisation a des conséquences économiques majeures bénéficiant à tous ceux qui y participent. Elle doit être considérée comme un investissement, partie intégrante de la stratégie d'entreprise". De quoi convaincre les dirigeants les plus sceptiques.
Témoignages
Trois témoignages de mécaniciens impliqués dans les travaux de normalisation recueillis à l'occasion d'une table ronde.
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Jean-Jacques Adam, groupe Poujoulat Conduits de cheminée, 1 450 salariés, CA : 206 ME
Crédit photo : Poujoulat |
"Participer aux travaux de normalisation m'a permis de développer mon réseau international. Par exemple, pour comprendre les méthodes d'installation dans tel ou tel pays, je peux facilement appeler un collègue de groupe de travail. Autre exemple, nous avons gagné un nouveau client au Danemark qui avait entendu parler de nous par un expert de la normalisation.
De plus, nous gagnons en crédibilité et la rédaction des normes nous ouvre des marchés. Mais attention, cela marche dans les deux sens, les concurrents étrangers peuvent venir sur le marché français.
Enfin, il est important d'être présent dans les groupes de travail pour influencer les textes. Ainsi, les Allemands auraient pu nous imposer une norme sur la transmission du feu ne correspondant pas à notre système constructif, si nous n'avions pas été présents dans le groupe de travail.
L'appétit vient en mangeant. Ce vieil adage résume bien mon engagement. Progressivement, je me suis investi davantage, jusqu'à prendre prochainement l'animation d'un groupe de travail."
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Frédéric Bengler, Réservoirs X. Pauchard, groupe Fayat Réservoirs en acier ou inox de
Crédit photo : Réservoirs X. Pauchard |
"Je suis convaincu et passionné de participer à ces travaux, et j'ai envie de faire grandir la technique par la normalisation. Depuis plus de 10 ans je travaille avec mon syndicat professionnel, le SNCT, sur le code de fabrication CODAP. J'ai réussi à faire intégrer certains besoins. Cela fait aussi trois ans que je travaille avec l'UNM et représente le SNCT. J'ai commencé par assurer une veille technologique et suis maintenant actif dans les travaux. Ce qui nous permet d'anticiper les évolutions pour nos nouveaux produits. Au moment de la sortie de la norme, on est déjà dans les starting-blocks, c'est un avantage important par rapport à nos concurrents.
Dans les PME, il n'est pas évident de trouver le temps pour s'investir en normalisation. Comme pour nous, il est important que les directions nous permettent de s'intégrer à ces travaux. D'autres vont pouvoir s'appuyer sur l'étude d'AFNOR Normalisation et de l'UNM pour convaincre."
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Laurent Giboureau Lanfranco
Écrous de sécurité, 58 salariés,
Crédit photo : Lanfranco |
"Je suis impliqué dans la normalisation à l'UNM depuis 2012 et à l'ISO/TC 2 depuis 2013. Grâce à cela, une entreprise familiale comme la nôtre peut accéder à des études et des rapports techniques que nous n'aurions pas eu les moyens de réaliser. Nous partageons les informations au sein de notre syndicat professionnel, Artema, et nous nous appuyons sur des travaux du Cetim pour étayer nos contributions aux normes. Il est donc important de travailler ensemble et de partager nos problèmes techniques pour faire progresser toute la profession française.
J'ai pu développer un réseau à l'international. Par exemple, à l'occasion d'un litige avec une entreprise à l'étranger sur l'interprétation d'une norme, j'ai fait intervenir un expert de l'ISO de ce pays, ce qui a renforcé notre crédibilité et notre image de marque.
La normalisation est un jeu de pouvoir et de géopolitique. Ainsi, lors d'une réunion à Milan, nous n'étions pas assez nombreux pour défendre une norme en vigueur, les Allemands souhaitaient la réviser, car plusieurs de leurs fabricants n'arrivaient pas à tenir les performances techniques de cette norme. D'autres pays, pour les mêmes raisons ont rejoint la position allemande. Résultat : la norme a été revue à la baisse.
Si l'on veut travailler efficacement et sérieusement, la normalisation réclame beaucoup de temps, sans compter les frais. Il serait plus juste que les PME puissent bénéficier d'aides pour couvrir ces coûts.
On ne normalise pas pour se faire plaisir, mais pour donner un cadre technique, transmettre notre savoir et assurer à nos clients des produits de qualité."
Les chiffres clés de l'étude
Sur les entreprises mécaniques impliquées dans la normalisation depuis 1998 :
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2 600 participent directement à des commissions françaises de normalisation,
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4 100 y participent indirectement, via leur syndicat,
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500 sont inscrites dans des instances internationales CEN ou ISO.