Normes et brevets
La réunion des présidents et animateurs UNM s'est tenue le 5 avril 2018 à la Maison de la Mécanique. En ouverture, Jérôme Bataille, président de l'UNM, a rappelé l'objectif de cette réunion annuelle : traiter des sujets qui répondent aux préoccupations des participants, en lien avec les responsabilités qu'ils exercent au sein des instances de normalisation. Cette année, après une présentation des nouvelles du système de normalisation, les débats se sont déroulés autour des brevets et des normes.
Brainstorming à l'ISO
Le Bureau de gestion technique a lancé une réflexion sur le management de projet, informe Marguerite de Luze (UNM). Après avoir identifié les domaines clés de la gestion de projet, comme la planification et la surveillance, les rôles et responsabilités du président, du secrétaire, de l'animateur et du chef de projet ont été cernés à chaque étape. Même si l'amélioration de l'efficacité doit être recherchée au sein des comités techniques, il faudra rester vigilant à ne pas transformer cet outil en une charge administrative sans effet.
Plus originale, une réflexion sur les normes virtuelles (IVP) est en cours. Il a été imaginé un processus d'élaboration d'une norme ISO sans la formation d'une structure traditionnelle de comités ISO et sans réunions physiques ; un processus d'élaboration qui, selon l'ISO, permettrait aux experts de participer d'une manière plus conviviale, de multiplier les échanges virtuels sur plusieurs fuseaux horaires et l'édition dynamique de documents. Le sujet de la norme virtuelle est intéressant, c'est une véritable plus-value pour les experts mais attention aux principes retenus. Il ne faut pas confondre collaboratif et virtuel : l'utilisation des web-meetings et le travail en réseau sont déjà largement utilisés par nos instances et nos experts. Les instances actuelles doivent être maintenues, elles répondent au besoin.
Fonctionner uniquement en virtuel peut conduire à tuer le dialogue et la notion de consensus.
Consultants CEN : le nouveau système
Afin de s'assurer que les normes harmonisées concrétisent de manière adéquate les exigences essentielles des directives et règlements européens, le CEN et la Commission Européenne ont recours à un système de consultants indépendants. La gestion du système n'est plus assurée par le CEN, mais directement par la Commission Européenne par le biais d'un organisme extérieur. Ernst and Young (EY) a été choisi pour gérer le système opérationnel à partir du 1er avril 2018. EY a affiché les bénéfices attendus de sa gestion : qualité et uniformité des évaluations faites par les consultants, amélioration continue du process, livraison en temps opportun de rapports complets pour un référencement plus rapide des normes au Journal Officiel de l'Union Européenne (JOUE). Il est sûr que la gestion des dossiers va bénéficier des outils mis à disposition. Cependant, une vigilance doit être mise en place sur la cohérence des évaluations, les critères retenus pour juger de la qualité du travail, la poursuite du dialogue entre le comité technique et le consultant, les délais.
Déposer un brevet : l'Institut National de la Propriété Industrielle
L'INPI a pour mission d'enregistrer, délivrer et publier des brevets, marques et modèles. Cet institut accueille et accompagne dans leurs démarches les grands déposants mais aussi les PME et particuliers, explique Stanislas de Lapasse. Le brevet protège une invention se définissant comme la solution technique à un problème technique. Il appartient au premier déposant. La protection sur le territoire est limitée à 20 ans.
En contrepartie des monopoles conférés par les droits de propriété industrielle, la législation a prévu pour la plupart des cas (tous sauf le droit d'auteur) l'obligation de divulguer la création/l'innovation protégée et d'exploiter le signe distinctif protégé. Les bases de données de propriétés industrielles (brevets, marques et modèles) sont de grandes sources d'information. La recherche en liberté d'exploitation permet de savoir si un produit est déjà protégé par un brevet, ce qui peut éviter des conflits avec les concurrents. Les documents consultés sont libres de droit.
Quelle interaction avec la normalisation ? En amont, le brevet est un outil d'intelligence économique qui permet d'orienter les choix techniques de la recherche et même de capitaliser des connaissances. Il peut être intégré dans une norme du fait du mécanisme encadré de la licence à prix réduit.
Éclairer ses décisions stratégiques
Le secteur de la mécanique est numéro un : 90 millions de brevets déposés ce qui représente une masse d'informations gigantesque. Leur exploitation doit permettre d'éclairer et de prendre des décisions stratégiques, explique Laurent Couvé (Cetim).
Deux types d'analyses de brevets sont menés.
Le premier concerne la surveillance. Si dans un domaine particulier, une veille est déjà en place depuis plusieurs années, le processus est optimisé avec l'évolution des outils numériques et la mise en place des flux RSS. Les brevets sont capitalisés pour chaque entreprise et pour l'ensemble des profils communs. Ainsi, les entreprises peuvent être accompagnées dans la lecture et l'interprétation de l'information en propriété industrielle.
Le second s'est intéressé à l'analyse statistique de gros corpus de brevets. A partir de l'outil utilisé, il est possible de voir les tendances et évolutions : pays les plus innovants, acteurs les plus actifs, principaux concepts brevetés, principaux réseaux de collaboration. Ces analyses constituent un premier niveau, une aide à la décision. Grâce à un croisement des mots clés, il devient possible de zoomer sur un aspect, une notion ou un thème.
Les dispositions de la normalisation en matière de brevets
"Il existe des dispositions en matière de brevets qui, dans les grands principes, sont semblables en normalisation française, européenne et internationale", expose Catherine Lubineau (UNM). L'intention est de limiter la pratique de lier un brevet à une norme. Toutefois, elle est autorisée. La divulgation doit être le plus précoce possible dans le processus d'élaboration de la norme. Le président doit veiller à ce que l'existence de brevets connus des experts soit communiquée à la commission française ou au comité technique et que les actions nécessaires soient entreprises. Une déclaration de la propriété industrielle est opérée auprès d'AFNOR qui demande au titulaire de signer une déclaration de détention de brevets et d'octroi de licences à titre gratuit ou à des conditions raisonnables et non discriminatoires. En cas de refus, il n'y a pas de dispositions afférentes au brevet dans la norme.
Au plan européen et international, deux documents encadrent les pratiques : le guide CEN/CENELEC 8 et les directives ISO. Le processus est proche de celui des normes franco-françaises avec cependant des nuances. La notion de brevet essentiel (brevet que l'on ne peut éviter pour être conforme à la norme) est de loin la plus importante. En cas de refus du détenteur d'octroyer des licences, le comité technique doit mener une action pour supprimer les conflits potentiels. Le président doit demander à chaque réunion si les présents ont connaissance de brevets essentiels. La réponse doit être actée au compte-rendu.
Deux cas concrets ont été présentés : l'un sur les courroies élastiques, l'autre sur la manutention continue. Ils illustrent bien la diversité des situations rencontrées et montrent que l'encadrement du système de normalisation peut-être une opportunité pour qui sait s'en servir.