Machines agricoles : trois décennies de sécurisation
À la fin des années 1980, les engins agricoles étaient impliqués dans un accident sur quatre sur les exploitations. Trente ans plus tard, c'est le cas dans un accident sur six, et même moins. L'effet des 91 normes volontaires de sécurité élaborées entre temps ? "Possible", estiment les membres du CEN/TC 144, le comité technique européen créé en 1988 ! [...]
Un juste équilibre entre sécurité et efficacité
En trois décennies, près de 100 référentiels ont été publiés et révisés, avec toujours la même volonté : trouver le juste équilibre entre sécurité et efficacité. "Si les mécanismes de sécurité installés sur les machines sont mal conçus et rendent les tâches difficiles à réaliser, les utilisateurs risquent de les désactiver", décrypte Leïla Martin, chargée de mission au Bureau de la santé et de la sécurité au travail du ministère de l'Agriculture. "Il s'agit aussi de s'assurer que les nouvelles normes et les avancées de la technologie sont en adéquation avec les exigences réglementaires." [...]
Autre point de vigilance : s'assurer de la viabilité économique de la norme. Si les exigences renchérissent trop le prix de la machine, les exploitants ne pourront pas l'acheter.
Le syndicat Axema, qui fédère près de 230 fabricants, siège au sein du comité de normalisation pour défendre les intérêts des constructeurs. "Nous effectuons un travail de veille et échangeons avec nos clients exploitants pour recueillir leurs besoins et leurs demandes", explique Guillaume Bocquet, responsable du pôle technique. "L'une de nos missions consiste à accompagner l'évolution technologique. La publication prochaine de la norme NF EN ISO 18497 sur les risques des machines hautement automatisées l'illustre. De plus en plus de machines robotisées sont mises sur le marché pour assurer des tâches agricoles à la place ou en renfort d'une intervention humaine, telles que la distribution des aliments au bétail, le binage, l'épandage,... Ces nouvelles techniques génèrent des risques qui doivent être maîtrisés. Les normes sont des outils pour répondre à ces enjeux. Les constructeurs que nous représentons ont un vrai rôle de prescripteur à jouer."
Accompagner l'innovation
D'autant qu'en la matière, la variable temps joue un rôle très particulier. S'il faut plusieurs mois pour élaborer une norme, avec révision possible tous les cinq ans, le parc des équipements ne suit pas le même rythme. L'ancienneté moyenne atteint dix, voire quinze ans ou plus pour certaines machines. Les exigences d'aujourd'hui seront donc appliquées sur des engins construits demain, mais encore en service dans plusieurs années...
De fait, les membres de la commission se projettent ! Et les sujets ne manquent pas. La robotique constituera l'un des défis de ces prochaines années. Avec le développement du numérique, la mission du comité technique du CEN se concentrera davantage sur les risques engendrés par ces opportunités. Mêmes débats autour de l'agro-écologie. "Ces nouvelles orientations doivent également être envisagées sous l'aspect normalisation", précise Leïla Martin.
Autre volonté : être toujours plus spécifique. "Le comité intervient sur un large spectre d'activités, exploitations agricoles ou forestières par exemple. Petit à petit, des textes spécifiques émergent, comme la norme sur les plateformes élévatrices utilisées dans l'arboriculture qui doivent répondre à des contraintes particulières : terrain non plat, présence d'arbres, plusieurs personnes sur la plateforme, etc. Cela implique d'adapter les exigences pour prévenir les basculements, la surcharge." La visibilité constitue un autre axe de travail majeur. De nombreux accidents restent liés à des problématiques d'angles morts et de manœuvres à l'aveugle. Mais le cap reste inchangé : protéger les utilisateurs et accompagner l'innovation. [...]
Le rôle moteur de la France
Depuis 1988, la France s'implique fortement dans le processus de normalisation des agroéquipements, à l'échelle européenne. Elle était déjà très présente au plan international au sein du comité technique ISO/TC 23 actif sur les mêmes équipements. Depuis peu, les commissions françaises se penchent aussi sur la sécurité des machines à lin et des machines viti-vinicoles, notamment les pompes à vendange pour lesquelles il n'existe encore aucune norme de sécurité. Une fois les travaux préparatoires achevés, ils seront soumis au comité européen pour élargir leur impact et donner une présomption de conformité à la réglementation européenne.
[Source : AFNOR NORMALISATION – décembre 2018]
Et demain
"L'environnement est aussi un important sujet d'avenir, notamment l'économie circulaire" ajoute Aline Vecchia en charge des commissions nationales UNM 951 et UNM 952. Exemple, le contrôle des pulvérisateurs neufs, mais aussi en service, ce qui peut être comparé à un contrôle technique automobile, en vue de maîtriser la pulvérisation ciblée des produits et diminuer ainsi les quantités utilisées.
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