ActualitésDernières actualités
Les normes harmonisées : où en sommes-nous ?

Les normes harmonisées : où en sommes-nous ?

Réglementation20/11/2019

D'un coté la Commission Européenne rappelle l'importance des normes harmonisées et de l'autre, elle cite de moins en moins de normes au JOUE (Journal Officiel de l’Union Européenne). Ce paradoxe crée de nombreuses incompréhensions et frustrations sur le terrain qu'il est nécessaire de lever.

La Commission européenne a publié en novembre 2018 un appel à renouveler l’engagement politique en faveur du Marché unique. La communication s’ouvre par un rappel de l’importance des normes pour assurer l’interopérabilité, faciliter l’introduction d’innovations et renforcer la confiance des consommateurs dans les produits et les services placés sur le marché. La Commission souligne qu’un système de normalisation fonctionnant bien contribue à la croissance économique, soutient l’innovation et la compétitivité des entreprises européennes et assure que les niveaux de sécurité et de protection de l’environnement et de la santé des consommateurs fixés par la législation sont effectivement atteints.

Lancée en 2016 et clôturée en 2019, l’initiative conjointe pour la normalisation européenne (JIS) entre toutes les parties prenantes (Etats membres, Union européenne, organismes de normalisation, industrie, …) a permis un état des lieux, une vision conjointe des acteurs et a proposé des priorités pour le futur. "Le marché unique est l’une des principales réalisations de l’Union européenne et la normalisation en constitue le coeur" : des propos introductifs à la brochure de synthèse de la JIS parue en juin 2019 qui illustrent la reconnaissance de la normalisation. La nouvelle approche et le lien entre les trois organismes de normalisation européenne (CEN, CENELEC, ETSI) et la Commission Européenne matérialise un partenariat public/privé inégalé dans le monde et beaucoup de pays nous l’envient. Les coûts sont mutualisés, le système est plus efficace et plus agile.

Plusieurs éléments viennent néanmoins ternir le paysage : la Cour de justice européenne ayant conclu que les normes harmonisées sont des actes de l’Union Européenne, le référencement des normes au JOUE a été modifié et la Commission a souhaité renforcer son contrôle sur la normalisation européenne.

Les normes sont maintenant citées dans la rubrique L (pour Legislative), ce qui donne plus de poids à cette citation. Cent quatre normes ont été publiées selon ce nouveau format depuis sa mise en application. Il ne s'agit plus d'une liste complète mais simplement des ajouts et retraits de citation. Suite aux nombreux commentaires reçus par la Commission sur le besoin de disposer d'une liste consolidée, un nouveau modèle mis au point pour la Directive Jouets va être étendu aux autres réglementations (dont la directive Machines).

Les consultants CEN ont été remplacés par des consultants HAS (Harmonised standards) dont le mode de fonctionnement est délégué au cabinet spécialisé en audit et conseil EY (Ersnt and Young). Principaux changements par rapport à l’ancien système : des consultants non affectés à un comité technique en particulier (avec pour conséquence une méconnaissance des sujets), des conditions de participation aux réunions physiques très strictes (les réunions virtuelles sont privilégiées), une grille d’évaluation beaucoup plus formelle qui amène les consultants à formuler de très nombreuses évaluations négatives. Le recours à des références normatives non datées est prohibé sauf à mener une analyse pour évaluer le risque d’une évolution de la norme référencée dans un sens qui ne serait pas sécuritaire. En effet, lorsqu’elles évoluent, les normes ne changent pas de numéro mais leur contenu peut être complètement modifié d’une version à l’autre. Les différences entre une version n et une version n+1 peuvent donc être importantes. Le contenu de l’annexe Z est précisé. Cette annexe établit le lien entre les exigences essentielles de la réglementation et les prescriptions de la norme. Dans le domaine des machines, jusqu’à présent, cette annexe était globale et mentionnait simplement que la norme répondait aux exigences essentielles. Dorénavant, il faut expliciter la façon dont la norme répond à chaque exigence individuellement.

Face au renforcement des contrôles de la Commission européenne sur le processus de normalisation, la confiance réciproque doit être de mise. D’un côté, les parties prenantes doivent accepter que l’impact légal des normes harmonisées impose des contraintes renforcées au cours du processus d'élaboration; de l‘autre, la Commission européenne doit raison garder dans ses demandes pour ne pas bloquer les initiatives. La normalisation n'a pas vocation à se substituer à la réglementation et il faut travailler de manière collaborative.

Des consultations ont été menées par la Commission Européenne en 2019 pour la rédaction d'un guide d'application du règlement 1025/2012 relatif à la normalisation européenne. Le CEN-CENELEC a fait part de ses remarques à la Commission, notamment sur les demandes de normalisation : la liste des normes doit rester flexible et la demande de normalisation ne doit pas avoir de limite de validité. Ces deux points auraient pour conséquence de bloquer le système en ne permettant plus l’ajout de nouveaux sujets et en obligeant à respecter un délai strict.

Devant toutes ces évolutions, l'UNM a pris l'animation d'un groupe de réflexion au sein du système français de normalisation. Ce groupe a tenu trois réunions en 2019. Il a recensé les difficultés sur l'ensemble de la chaîne (depuis l'idée de la Commission d'une nouvelle demande de normalisation jusqu'à la citation de la norme au JOUE en passant par l'élaboration des projets). Il a fourni des exemples et identifié des pistes de progrès.

À titre d'illustration, les demandes de normalisation arrivent officiellement en France par plusieurs canaux (pouvoirs publics et AFNOR) alors que les bureaux de normalisation peuvent avoir eu l'information en amont. Une action conjointe va être menée au plan national pour mettre à plat tout le processus, préciser les actions à mener par chacun des intervenants et homogénéiser les positions françaises dans les différentes instances.

Il est également nécessaire d'inclure les consultants le plus en amont possible dans le process et de fluidifier les échanges entre la Commission, les consultants HAS et les comités techniques, par exemple en prenant conseil auprès des consultants au début de la rédaction du projet pour orienter la rédaction des documents.

Afin d'éviter des interprétations différentes entre consultants pour une même réglementation, il serait intéressant que Ernst and Young fournisse des "modèles" ou phrases types pour la rédaction des normes par réglementation.

 

Crédit photo : Fotolia.